Algoneurodystrophie ou comment apprendre à vivre avec la douleur !

Je suis une jeune femme de 23 ans. J’aime la vie mais je ne m’attendais pas à ce que la mienne soit perturbée par une maladie du nom barbare d’Algoneurodystrophie (plus communément appelée Algo ou SDRC). En effet, en 2006, j’ai dû subir une intervention chirurgicale du pied gauche et l’algo a décidé de s’installer à partir de ce moment-là. Il faut savoir que cette maladie peut survenir après un traumatisme (opération, blessure, etc…), et si elle n’est pas prise en charge à temps, elle peut durer des années et des années. Bien entendu, ce n’est pas ce que l’on nous dit lorsqu’on pose le diagnostic. Le médecin a tendance à dire : “Ne vous inquiétez pas, ça durera entre 6 mois et 1 an maximum” mais c’est faux. Cette phrase que la plupart des patients entendent lorsqu’on leur dit qu’ils souffrent d’une algo, est un signe d’espoir. Mais, ils se cachent de dire que ça peut durer des années et des années selon le type d’algo, selon la personne qui est touchée.

Personnellement, même si je souffrais déjà beaucoup au début de la maladie, je me suis dit que je prendrais sur moi et tout allait rentrer dans l’ordre dans un an maximum. Cela fait 10 ans et quelques mois que j’en souffre. Et, j’ai pu m’apercevoir que les douleurs n’ont cessé, pour moi, de s’accroître d’année en année, de jour en jour. Je peux même lire sur certains comptes-rendus de médecins, « patiente souffrant d’une algoneurodystrophie rebelle » ou « récidivante ». Ce sont des mots assez forts, je trouve, pour qualifier cette maladie. Ce que je pensais n’être que passager a fini par devenir mon quotidien. Et, on est obligé de continuer à vivre du mieux qu’on peut, on est obligé d’apprendre à vivre avec la douleur. Certains souffrent depuis moins longtemps que moi, d’autres encore plus longtemps.

Alors, on dira : “Il faut prendre son mal en patience”… mais c’est loin d’être facile lorsqu’on souffre en permanence, nuit et jour, sans aucun moment de répit. Enfin, les seuls moments de répit, pour moi, sont lorsqu’on m’opère et que je suis sous anesthésie générale, car je ne peux me souvenir de rien, bien que je me réveille en pleine souffrance ; bien que les professionnels de santé viennent me dire que je n’ai pas arrêté de gémir de douleur durant mon sommeil. Comme quoi, les douleurs ne partent pas, même sous anesthésie, on n’en n’a juste aucun souvenir mais c’est déjà ça à prendre !

D’autre part, ce n’est pas une seule douleur que l’on ressent, mais plusieurs en même temps : brûlures aussi bien chaudes que glaciales, sensation de courant électrique, fourmillements, picotements, tiraillements, lancements, coups de couteau, sensation d’étau, lourdeur, sensation que le membre est anesthésié tout en étant douloureux, douleurs osseuses, tendineuses, musculaires, et j’en passe ! Et il y aura toujours cette sensation de différence par rapport aux autres membres du corps. Même lorsque les douleurs sont un peu moins fortes à un moment de la journée, nous ressentons toujours une petite différence sur le membre touché comme si la maladie nous disait : “Non, ne te réjouis pas, je suis toujours là…“.

Ces types de douleurs sont ce que l’on appelle des douleurs neuropathiques. Ces douleurs ne peuvent être soulagées par des anti-douleurs normaux, ni par les morphiniques. Et même en sachant cela, certains médecins nous donnent des morphiniques… Cela a été mon cas et en plus de ne ressentir aucun soulagement, il est très difficile de se débarrasser de cette molécule qui nous rend très vite dépendant et qui n’est pas bon pour notre organisme. Certains médicaments pour les douleurs neuropathiques (généralement utilisés également en tant qu’anti-épileptiques) peuvent soulager le patient mais faut-il encore que ce dernier les tolère. Cela n’a pas été mon cas. Mon organisme a toujours rejeté la molécule, bien que j’aie commencé à ressentir un petit soulagement.

Mais les douleurs ne sont que la partie émergée de l’iceberg ! Effectivement, la maladie va avoir des conséquences sur la peau du membre atteint (qui va devenir un petit caméléon et changer de couleur : parfois il sera bleu, rouge à pois blancs, violet virant vers le noir…etc.) ; les muscles vont également finir par s’atrophier ; les tendons vont se rétracter ; les os vont perdre leur calcification. L’algo va également avoir d’autres conséquences et peut entraîner d’autres pathologies.

Exemple de membre atteint (Pied Gauche) :

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Il faut savoir une chose : ici, en France, l’algo n’est pas reconnue comme une maladie neurologique, bien qu’elle soit reconnue comme telle dans d’autres pays. En France, on nous dirige vers un rhumatologue, un psychologue alors que dans d’autres pays (USA, Angleterre, Belgique, …etc…), le premier spécialiste vers lequel le patient est dirigé est un neurologue !! En France, on se retrouve donc face à des professionnels tels que des psychologues qui vont nous dire : « Mais que faites-vous ici ? Vos médecins ne voient pas que c’est une maladie neurologique et qu’un suivi neurologique est primordial ? ». Alors certes, une thérapie pourra toujours nous aider à évacuer la souffrance intérieure que l’on accumule mais elle ne fera pas partir l’algo comme par magie !! De fait, cette pathologie n’étant pas prise réellement au sérieux dans notre pays, cela pourrait probablement expliquer pourquoi les patients qui en souffrent n’arrivent pas ou ont beaucoup de mal à s’en sortir, pourquoi certains ont d’autres problèmes de santé qui s’installent et restent toujours incompris par les médecins qui disent tous : “votre cas est atypique”. Mais c’est faux, il ne l’est pas.

Pourquoi le cas d’un patient atteint d’algo aggravé d’autres pathologies n’est-il pas atypique ? Car les autres pathologies sont la conséquence de l’algo. Mais en France, personne ne veut l’écouter, le comprendre. Suite aux recherches menées par les Docteurs SCHWARTZMAN ou HOOSHMAND aux États-Unis, par le Docteur CHOPRA en Angleterre, il est facile de comprendre que cette maladie peut se propager comme bon lui semble, peut atteindre d’autres membres, y compris toucher des organes ; qu’un simple petit choc ou opération subi pendant que la maladie est active peut être considéré comme une agression par cette dernière, faisant qu’elle deviendra plus violente et plus agressive. On peut également apprendre que celle-ci peut entraîner de nombreuses pathologies, parmi lesquelles la dystonie (maladie neuro-musculaire provoquant des mouvements incontrôlés).

Mais une fois encore, la plupart des spécialistes français refusent de prendre en compte ces recherches et laissent le patient en souffrance, et n’ont pas de solution à lui proposer pour le soulager. J’ai moi-même, à de nombreuses reprises, parlé à divers spécialistes des travaux de ces médecins américains et anglais, je leur ai même montré des articles de ces chercheurs. Vous savez la réponse que j’ai reçue de la plupart d’entre eux ? « Oui mais non, l’algo ne peut pas faire ça, je le sais mieux qu’eux. Puis, vous n’avez pas à vous renseigner auprès de médecins étrangers. » Ou alors certains jetaient ces recherches sur le bureau comme un vulgaire papier insignifiant. Bien entendu, certains acceptent les recherches et disent qu’ils vont les lire ; mais ça reste rare.

De fait, cette incompréhension de certains professionnels de santé, voire même de certains proches des patients, entraîne de surcroît des douleurs non seulement physiques mais morales. Effectivement, lorsque l’on souffre 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 depuis plusieurs mois voire des années, et que l’on reste incompris, que l’on reçoit des remarques déplacées du style : “Prends ton mal en patience, fais des efforts” alors que le moindre petit effort accentue les douleurs, il y a de quoi avoir les nerfs à vif. C’est pourquoi, il est primordial que le patient atteint d’une algo soit bien entouré par ses proches, soit soutenu, et qu’il ne reçoive pas de remarques déplacées sur sa maladie. Elle est déjà dure à vivre en elle-même, dure à accepter, et très invalidante pour certains, qui peuvent comme moi se retrouver en fauteuil roulant.

Quand on ne peut plus se déplacer à sa guise, ne plus vivre sans douleurs, on se sent déjà diminué et impuissant face à la maladie, et la seule chose dont on a besoin c’est : l’amour et le soutien de ses proches pour accepter cette vie et continuer à se battre. Continuer à vivre avec les douleurs permanentes et un handicap, en voyant sa situation empirer de jour en jour, est loin d’être facile mais il faut le faire. Je l’ai dit au début : j’aime la vie. Et comme j’aime la vie, je considère que cette maladie ne va pas m’empêcher de me construire un avenir. Elle m’empêche déjà beaucoup de choses : elle me prive de mon autonomie, de mes mouvements, de mon sommeil, mais elle ne m’enlèvera pas ma famille, mes amis, mes études, mon avenir !

A ce jour, peu de spécialistes en France prennent la pathologie au sérieux, peu veulent prendre en compte les recherches étrangères, peu sont à l’écoute des patients. Il est donc important que cette maladie soit reconnue, bénéficie des recherches scientifiques nécessaires pour que l’on puisse trouver la solution miracle qui pourra guérir les patients. Mais surtout, il est primordial que les informations véridiques sur cette maladie soient partagées, en vue d’informer les personnes touchées, les proches des patients, les professionnels de santé sceptiques, voire mal informés et surtout afin que le SDRC soit reconnu comme une véritable maladie, lourde et handicapante. A ce propos, il convient de rappeler qu’elle a été classée première dans le top 10 des maladies les plus douloureuses au monde ! (http://association-thera-wanka.org/top-10-maladies-douloureuses/)

Pour conclure, j’ajouterai que de par mon expérience, à savoir 10 ans et 7 mois de souffrances dues à cette maladie et à ses conséquences, comme la dystonie et autres, il est important d’être bien entouré pour ne pas affronter seule l’algo. La vie n’est déjà pas rose tous les jours, mais elle l’est encore moins lorsqu’on est malade. Un soutien de ses proches est, par conséquent, primordial. De ce côté, je peux affirmer, sans me tromper, avoir de la chance car je suis déjà bien entourée par ma famille proche et mes amis ; ce qui n’est malheureusement pas le cas de tout le monde. Cependant, il est également important de trouver le bon spécialiste qui sera à notre écoute, prendra en compte notre souffrance, les recherches menées sur cette maladie et cela est rare ! Je n’ai toujours pas trouvé celui qui accepte de me prendre en charge et j’espère, comme tous ceux qui souffrent de la même pathologie, le trouver rapidement.

D’autres témoignages avec d’autres expériences suivront et j’espère qu’ils permettront d’apporter un peu de reconnaissance aux malades et de faire reconnaître cette maladie barbare qui touche et impacte négativement la vie de nombreuses personnes. Les témoignages sont importants car personne ne vit la maladie de la même manière et chaque malade pourra apporter son ressenti et complètera les informations que d’autres patients atteints d’algo auront omises.

N.

 


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